La mort a toujours frappé chez les autres…Jamais chez nous…

   Mon père,je l’aperçois parfois,au milieu d’une foule compacte dans les rues de Tunis…Et il porte toujours le même béret camel et la même  chemise blanche,et il marche tout droit…Je l’ai aperçu de dos.Alors j’ai arrêté la voiture et j’ai couru vers lui ,pour le rattraper…A mesure que j’avance,son image s’atténue,sa démarche change,ce n’est plus exactement  son dos,ce n’est plus vraiment son port de tête,ce n’est plus lui je crois…Ah tu crois?

…Je lui touche délicatement l’épaule…Il se retourne…Mais ce n’est pas lui,ce n’est pas du tout lui… Je demande pardon au monsieur…”Pardon,je suis désolée,je suis confuse,j’ai imaginé que…”

Que je suis bête et ridicule…Bien sûr que ce n’est pas lui…A quoi tu t’attendais pauvre cloche?!A quoi tu pensais en faisant ça?Ta pauvre tête elle est ou?…Les morts ne reviennent pas …Ils ne reviennent même jamais…Aucune exception,même pas pour ton père…

Il faut que j’arrête de le voire partout,sur les trottoirs d’en face,dans le détour des ruelles,parfois dans l’embrasure  d’une porte,dans un aéroport…D’imaginer que c’est lui…Ce n’est pas lui,ce ne sera plus jamais lui.Je ne peux pas continuer à vouloir le faire vivre dans chacun des hommes d’un certain âge que je vois…Il faudrait peut-être déjà que je puisse le pleurer…D’accepter qu’il soit parti…D’arrêter peut-être de le chercher partout…De le laisser partir …

Pourtant,jusque là,la mort a toujours frappé chez les autres…Jamais chez nous…Alors j’avais espéré un moment de naïve illusion qu’il…allait rester peut-être encore un peu pour éclairer nos vies…

…Et si parfois on  n’arrive pas à s’affranchir de nos douleurs avec des larmes…Peut-être que ce serait possible avec des mots.

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